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  • Photo du rédacteurVictorMoreauEcrivain

Les Chroniques de Domum - Extrait

Bien le bonjour !


Je suis fier de vous présenter un court extrait des Chroniques de Domum que j'ai écrit pour mon client, histoire de vous faire découvrir un peu son univers.


Pour rappel, je fais actuellement prête-plume pour ce monsieur qui a imaginé tout un monde et toute une histoire mais qui se sent incapable d'écrire. Je lui prête donc littéralement ma plume afin de donner vie à son rêve. Ce que vous lirez sera donc ses idées, formulées avec mon style et ma patte. Et sans plus tarder, je vous laisse découvrir cet extrait !



 

Il errait dans les égouts de Dalorne, l’eau souillée montant presque jusqu’à ses genoux. Sur son passage, des immondices informes s’écartaient doucement, presque comme si elles étaient douées de vie. Il réprima un frisson, se refusant à imaginer de quoi ce mucus était composé exactement. Et puis, c’était sans compter l’odeur, qui aurait retourné l’estomac à n’importe quel homme ordinaire. Mais il n’était pas un homme ordinaire, il était un mercenaire endurci, doublé d’un ancien prétorien de la Garde Impériale Rhéique. Il avait connu bien pire que l’odeur de la fange et de la merdaille. Évidemment, Achérius, pesta-t-il néanmoins intérieurement, il a fallu que ton enquête te mène dans les égouts. Pourquoi les vauriens se terrent-ils systématiquement dans les endroits les plus infâmes ? Pourtant, il savait, il sentait que l’objet de sa quête se trouvait non loin. Son instinct ne l’avait jamais trahi, jusqu’ici. Alors il erra encore au hasard des tunnels nauséabonds, prenant soin de noter mentalement son trajet. Gauche, gauche, droite, tout droit, droite. Nul besoin de laisser une trace de charbon sur les murs et d’ainsi risquer de révéler sa présence ; sa mémoire était infaillible.

Au détour d’un embranchement, une silhouette flotta vers lui, tranquillement portée par les flots. Son cœur manqua un battement. Le souffle court, il arrêta le cadavre balloté et le retourna sur le dos. Il s’agissait d’un jeune garçon de peut-être douze ans dont la gorge avait été tranchée par une lame experte. Achérius lâcha un soupir de soulagement et laissa le petit corps s’éloigner sans lui prêter plus d’attention. La rigueur méthodique de son exploration finit par le mener vers une immense salle souterraine en contrebas, dans laquelle les eaux usées se jetaient en une bruyante cascade avant de repartir plus tranquillement vers un autre tunnel. Dans le haut plafond, un puits de soleil laissait filtrer une lumière bleutée qui éclairait le centre de l’immense pièce rotonde tout en laissant ses bords dans l’obscurité la plus totale.

Achérius descendit prudemment l’échelle et posa le pied sur le sol de pierre. Sur sa droite, une ouverture le toisait, pareille à une blessure béante, noyée dans une obscurité la plus totale. Hormis le tunnel que suivaient les flots, il s’agissait de la seule sortie, mais au lieu de s’y engouffrer sans plus de réflexion il préféra d’abord inspecter la pièce. Dans l’obscurité que chassait sa torche, se trouvait tout un fatras de bois et de poteries brisées, de mobilier oublié là depuis des années, et même quelques ossements animaux. Achérius repéra néanmoins certains détails subtils qui ne manquèrent pas d’alerter tous ses sens. Tout d’abord, plusieurs bougies étaient posées çà et là. Elles ne gisaient pas sur le côté, non, elles se dressaient fièrement, tenues par leur propre cire. Et leurs mèches, si elles étaient éteintes, luisaient toujours faiblement d’une teinte orangée tandis qu’un mince filet de fumée s’en échappait pour se dissiper dans l’atmosphère. Achérius en avait senti l’odeur caractéristique avant même de remarquer les bougies. Autre détail incongru : des tentures avaient été suspendues aux murs, de longs morceaux d’étoffe bleus nuit ou ocres, des couleurs populaires que bouderaient les citoyens de plus haut rang. Peut-être des objets volés çà et là dans la cité par les bandits qui se cachaient ici comme des rats. Et enfin, bien que le mercenaire ne le remarquât qu’en dernier, les murs et les piliers étaient ornés de symboles tracés en rouge. Il en ignorait la signification mais doutait qu’ils se trouvent là par hasard.

Il tira lentement son glaive, tous ses sens en alerte. Immédiatement, des dizaines de lueurs apparurent dans l’obscurité. Des Féliens ! Leurs yeux réfléchissaient la lumière ambiante. Il ne pouvait s’agir que des bandits qu’Achérius recherchait. Les créatures s’avancèrent lentement, émergeant des ténèbres tout autour du mercenaire, un museau, une oreille pointue, un croc après l’autre. Le cœur battant, Achérius nota qu’il était totalement encerclé. Trois d’entre eux s’avancèrent pour lui faire face tandis que d’autres prenaient position dans son dos. Il tournait sur lui-même comme un lion en cage, ne leur laissant pas la moindre ouverture. Il se fendit, forçant un premier Félien à reculer en feulant. Pivota sur lui-même en faisant tournoyer sa lame, laquelle effleura le buste d’un autre adversaire qui espérait l’attaquer de derrière. Se repositionna pour faire face au premier groupe qui déjà s’avançait vers lui. D’un œil absent, il nota que toute une foule se massait à la lisière de l’obscurité, une foule composée de Féliens, de Féliennes et de leurs petits, des civils. Alors Achérius comprit. Il ne s’agissait pas de simples bandits ayant enlevé une jeune noble contre rançon, mais d’une société entière de rebelles réfractaires à l’autorité impériale. Tout à coup, sa quête présentait un enjeu d’une bien plus grande importance qu’il ne l’avait pensé…

Quelqu’un lui lança une jarre de terre cuite qu’il esquiva en un mouvement réflexe. Le récipient alla se briser au sol et libéra un liquide verdâtre qui se répandit au sol en grésillant. Un groupe de Féliens l’attaqua de face tandis que deux autres se plaçaient de chaque côté. Il bondit vers l’arrière, renversant un rebelle trop lent pour l’éviter. S’élança vers le Félien à sa gauche et le fit reculer sous ses estocs. Pivota en un arc de cercle qui manqua de peu celui à sa droite, lequel avait voulu profiter de cette ouverture pour l’attaquer en traître. Envoya un coup de pied en plein dans le buste du meneur du premier groupe, l’envoyant s’écraser contre ses congénères. Derrière, les civils se tassèrent contre le mur, protégeant leurs enfants en pleurs ou bien s’enfuyant au travers des couloirs enténébrés dans la confusion la plus totale.

Une nouvelle jarre vola dans les airs. Dans un mouvement réflexe qu’il regretta immédiatement, il la brisa en plein vol du plat de sa lame et lâcha un hurlement de douleur et de colère mêlées lorsque le feu grégeois se répandit sur lui. Fort heureusement, c’est sa cape qui fut aspergée du plus gros de la substance, et après s’en être hâtivement débarrassé, seul son bras droit était légèrement brûlé. Ce qui le gênait tout de même dans ses mouvements… Il était parfaitement conscient qu’il ne sortirait pas vainqueur de cet affrontement. Les Féliens étaient bien trop nombreux pour qu’il puisse tous les abattre, et ils n’accorderaient aucune pitié à un ancien prétorien qui avait découvert leur repaire… Tout au pire, il pourrait en emporter une partie avec lui dans la tombe. Tout au mieux, il parviendrait à s’enfuir tel un rat. Mais il se refusait à rentrer la queue entre les jambes et à rapporter à son employeur l’échec de sa mission. Alors, les bras en croix comme pour tenir ses assaillants à l’écart, il s’adressa ainsi à eux :

« Ce n’est pas après vous que j’en ai ! Nul besoin que quiconque périsse parmi vous, cela n’en vaut pas la peine ! Négocions. »

« Négocier pour être trahis ensuite ? » siffla un immense Félien bardé de cicatrices, avec cette intonation si caractéristique à son espèce. « Mieux vaut te tuer ici et maintenant, petit homme… »

« Vous pouvez essayer, mais si je parviens à prendre la fuite, tu sais très bien que je reviendrai avec un bataillon entier. Pensez à vos femelles, à vos petits ! »

Ces mots semblèrent trouver écho parmi la foule, car des murmures s’élevèrent. Achérius profita de leur confusion pour presser son argumentation.

« Comment t’appelles-tu ? » lança le mercenaire en désignant son interlocuteur du menton.

« Dilus. » ce dernier finit-il par répondre après un temps d’hésitation.

« Dilus, je me nomme Achérius. » Il espérait qu’en échangeant leurs noms, il parviendrait à s’attirer sa sympathie. « Ce n’est pas après vous que j’en ai. Je recherche une jeune femme du nom de Marina, et d’après mes informations, elle était censée être détenue par des bandits Féliens. Remettez-la moi, et c’est exactement ce que je rapporterai à mon employeur : il ne s’agissait que d’un petit groupe de bandits que j’ai tous abattus. Pour le reste, je n’ai rien vu et nous repartirons chacun de notre côté. »

Il crut déceler chez son interlocuteur comme un sourire narquois. Mais il était toujours difficile de déchiffrer les expressions d’un Félien…

« Détenue, dis-tu ? »

« Ne fais pas l’innocent, je sais que vous l’avez enlevée ! Si ce n’est pour une rançon, c’est probablement pour faire pression sur sa maison ! »

À ces mots, le Félien éclata d’un rire rauque avant d’adresser un signe de la main en tournant la tête. Achérius sentit une grosse goutte de sueur rouler de son front jusqu’à sa joue pour s’écraser silencieusement au sol. Il maintenait sa garde et continuait de tourner lentement sur lui-même, son glaive pointé devant lui, paré à un nouvel assaut. Mais au lieu de cela, dans l’obscurité du tunnel adjacent naquit une fine silhouette drapée de bleue, une silhouette escortée de Féliens, et l’un d’entre eux posait une main protectrice sur son épaule. Une silhouette qu’Achérius reconnut immédiatement.

« Marina… » souffla-t-il.

Pour quelque raison, la jeune fille ne répondit rien. Elle évitait même de croiser le regard du mercenaire.

« Marina, » reprit ce dernier, « je suis là pour te ramener chez toi. N’aie crainte, tout va bien se passer. »

Dilus partit d’un nouveau ricanement, auquel ses congénères firent écho. Un certain malaise s’empara d’Achérius, comme si ce rire était annonciateur du pire.

« Si vous lui faites le moindre mal… » commença-t-il.

Le Félien l’interrompit.

« Tu n’as toujours pas compris, n’est-ce pas ? Tu es plutôt lent, pour quelqu’un qui a trouvé si facilement notre repaire… Marina, très chère, réponds à notre invité : es-tu retenue ici contre ta volonté ? »

Après un temps d’hésitation, la jeune fille secoua rapidement la tête, refusant toujours de croiser le regard du mercenaire.

« S’ils te font du chantage, » commença ce dernier, « nous pouvons te protéger. C’est ta mère qui m’envoie. »

Dilus secoua la tête en claquant de la langue.

« Il n’est pas plus sourd que qui refuse d’entendre… Rien ni personne ne force Marina à rester parmi nous, hormis… L’amour… »

« L’amour ? » répéta Achérius comme s’il avait mal entendu. « Je n’ai pas le temps de plaisanter, ma mission est importante, et… »

« C’est la vérité ! » intervint soudain Marina de sa petite voix. « C’est la vérité… Je suis une invitée ici, pas une prisonnière. Amarus et moi sommes amoureux. »

À ces mots, le Félien derrière elle passa un bras autour de ses épaules. En retour, elle lui posa la main sur la joue. Achérius demeura sans voix. Comment une humaine, et la fille de la future gouverneure de la région, qui plus est, pouvait-elle ainsi trahir son peuple ? Qu’elle puisse être attirée par un Félien, cela dépassait déjà le mercenaire mais soit. Ce qu’il ne parvenait à accepter, en revanche, c’était qu’elle embrasse la cause des rebelles et tourne le dos à l’empire. L’empire était la seule entité qui empêchait la région de basculer dans le chaos le plus total. L’empire signifiait l’ordre, la paix et la stabilité. Certes, cela revenait à sacrifier les libertés de certains peuples tels que les Féliens. Certes, cela instaurait une hiérarchie qui n’était pas au goût de tous. Mais tel était l’ordre naturel des choses. Ces rebelles étaient trop centrés sur eux-mêmes pour le comprendre, mais la jeune femme, elle, devrait en être consciente. Qu’est-ce qui avait bien pu la mener à renier ainsi son héritage et sa culture ?

« Marina, » souffla-t-il à son adresse, « quoi que tu penses éprouver, tu dois revenir à la raison… Ta mère est folle d’inquiétude. Viens avec moi et reprends ta juste place auprès des tiens. Je te garantis qu’aucun mal ne sera fait à ces Féliens. »

« Non ! » s’écria la jeune fille d’une voix qui surprit Achérius par sa force. « Jamais je ne retournerai là-bas ! Tu ne connais pas ma famille ! Ma mère craint tellement qu’il m’arrive quelque chose que c’est à peine si elle ne m’enferme pas à la maison ! J’ai beau être sa fille, je n’ai pas plus de liberté qu’un serviteur ! Elle est tellement terrifiée à l’idée de me perdre… Je veux vivre ma propre vie sans qu’une dictatrice autoproclamée ne prenne chacune des décisions à ma place ! Et quant aux Féliens, as-tu vu comment ils sont traités ? Dire qu’ils sont des citoyens de seconde zone ne serait qu’un euphémisme ! Se rebeller reste leur seule option pour faire entendre leur voix ! J’ai vu… J’ai vu… » Sa voix se brisa et ses yeux s’emplirent de larmes. « J’ai vu des enfants mourir de faim car on leur donnait une nourriture inadapté à leur régime… J’ai vu des bébés arrachés à leur mère… J’ai vu des Poilus exécutés sommairement pour avoir refusé de se laisser malmener par la garde… Voilà comment l’empire traite les Féliens, avec pour excuse qu’on « éduque ce peuple inférieur » ! Voilà pourquoi je ne reviendrai jamais auprès d’elle, dussé-je en mourir ! »

Achérius en demeura sans voix. Une foule de sentiments contradictoires se battaient en son cœur, entre sa loyauté d’un côté et son empathie de l’autre. Il ne comprenait pas les Féliens, et la plupart de leurs mœurs lui paraissait étrange, voir barbare, mais rien ne justifiait un tel traitement, si Marina disait vrai. Et il n’avait aucune raison de douter de sa sincérité…

« Il semblerait que tu n’aies finalement rien pour négocier… » siffla Dilus. Et sur un mouvement de tête de sa part, trois rebelles s’avancèrent, lances et épées en main.

Pris d’une intuition soudaine, Achérius lâcha son arme, s’agenouilla et leva les mains.

« Je me rends ! » lança-t-il.

Dilus croisa les bras et inclina la tête.

« Oui, et alors ? »

« Alors vous n’allez tout de même pas abattre de sang-froid un adversaire qui se rend ? Un adversaire qui vous a précédemment proposé une solution pacifique. »

« Tu représentes une trop grande menace pour te laisser partir, et nous n’avons nul intérêt à te faire prisonnier. Ce n’est rien de personnel, car tu sembles être un homme perdu malgré ton air supérieur, mais c’est nécessaire. »

Les trois rebelles avancèrent de nouveau vers lui, jusqu’à ce que la voix de Marina les interrompe.

« Je vous en conjure, épargnez-le ! Ne le traitez pas comme les siens vous traitent ; prouvez-lui que vous valez mieux que cela ! »

Un silence pensif accueillit ces propos. Puis Amarus prit la parole à voix basse, comme s’il s’adressait autant à lui-même qu’à ses congénères.

« Elle n’a pas tort… Et un prisonnier rhéiquien pourrait représenter une sécurité supplémentaire, si les choses tournent mal… Qu’en penses-tu, Dilus ? »

Le conflit était lisible dans les yeux du Félien. Les oreilles baissées, un croc dénudé, il grondait sourdement tout en se marmonnant à lui-même. Finalement, il lâcha un soupir qui tenait plus du feulement et fit un geste de capitulation.

« Qu’on prouve à ce petit homme que les Féliens ne sont pas des barbares, et qu’il constate de lui-même les crimes commis par ses congénères… Emmenez-le ! »

Achérius lâcha un soupir de soulagement. Il avait vu juste, et son pari si risqué avait payé. Il n’opposa nulle résistance lorsque les Féliens vinrent lui lier les poings, ni lorsqu’ils le traînèrent vers les ténèbres du corridor souterrain. Au moins Marina était avec lui, saine et sauve. Sa mission n’avait pas encore échoué.


 

J'espère que cet extrait vous aura plu ! Pour en apprendre plus sur l'univers de Domum, je vous renvoie vers la page Facebook. La campagne kickstarter débute en mars, je reviendrai vers vous à ce moment-là pour vous en reparler !

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